Charles Péguy, républicain mystique et philosophe de l’inquiétude
Mort au combat en septembre 1914 après une vie d’engagement, Charles Péguy a laissé derrière lui une œuvre prolifique, entre philosophie et poésie. Critique de la modernité, socialiste libertaire, patriote sincère contre les « bandits nationalistes », le philosophe parle à notre époque.
« Nous sommes fiers de notre ami. Il est tombé les armes à la main, face à l’ennemi [...] Le voilà entré parmi les héros de la pensée française. Son sacrifice multiplie la valeur de son œuvre. » Ces mots ne sont pas ceux des compagnons de route de Charles Péguy mais ceux de… Maurice Barrès. Au lendemain de la mort du lieutenant Péguy, le nationaliste, qui fustigeait quinze ans plus tôt les intellectuels dreyfusards à la conscience abstraite, lui dédie ce portrait élogieux dans L’Écho de Paris du 17 septembre 1914. C’est dire l’influence que le philosophe aura eu sur son siècle et sur ses pairs, amis comme ennemis. Tout au long de sa vie, Charles Péguy a été habité par une mystique à la fois sacrificielle et républicaine. Sa mort, il l’a cherchée. Elle n’a, pour ainsi dire, rien à voir avec le hasard et la surprise. « Je ne pleurerai pas son héroïque fin ! Il l’a cherchée, il l’a trouvée, il était digne d’elle », abonde l’historien Daniel Halévy, proche de Péguy, dans le Journal des Débats du 18 septembre 1914. Selon l’auteur d’Apologie pour notre passé (1910), la vie de Péguy est « tracée comme un jet, aucun hasard ne dépare sa haute destinée d’homme d’action et de poète », et sa mort « donne à son œuvre » le témoignage. La pensée du philosophe est une épopée entre mystique, patriotisme, dreyfusisme et socialisme. Comment comprendre la vie de celui dont on connaît la maxime qui veut que « tout commence en mystique et finit en politique » ?
La cité harmonieuse et socialiste
Charles Péguy voit le jour en 1873 à Orléans, ville de Jeanne d’Arc à laquelle il consacre, en 1897, Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc. Il entre en classes préparatoires au lycée Lakanal de Sceaux et réussit le concours de l’École normale supérieure, après deux échecs, en 1894. C’est dans la prestigieuse école normale qu’il se lie d’amitié avec l’influent Lucien Herr, bibliothécaire de la rue d’Ulm et pionnier du socialisme à la française. Figure méconnue, Herr enrôle de jeunes normaliens dans les rangs du socialisme qui deviendront des grands noms, à l’instar de Léon Blum et de Jean Jaurès. Marqué par la misère et le dénuement d’une enfance modeste, c’est à ses côtés que Péguy prend conscience de la question sociale. Très vite, il milite et décide de s’engager dans l’association La Mie de pain, qui vient en aide aux plus précaires en situation d’urgence, selon le principe de la charité chrétienne. Il participe également à des revues, dont La Revue socialiste, dès 1897.
“Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit”
Un an plus tard, alors qu’il vient tout juste de démissionner de l’École normale, il publie Marcel, premier dialogue sur la cité harmonieuse, un livre atypique qui pose les bases d’une utopie socialiste. Dans ce court texte, Péguy, qui écrit sous le nom de Pierre Baudoin puis Pierre Deloire, peste contre le règne de l’argent qui plonge des milliers de citoyens dans la misère. Péguy est critique de sa modernité : il s’emporte contre la civilisation de l’argent, de l’oisiveté, du luxe et des loisirs. La société moderne est viciée car la valeur de l’argent détermine tout. La cité harmonieuse qui se dessine sous la plume du jeune mystique est résolument tournée vers la mise en commun des biens et des moyens de production car selon lui, il ne convient pas que des « produits disponibles » soient « soustraits au bien de la cité par un parti de citoyens ou par un citoyen, par un peuple ou par un individu ». La vie corporelle de la cité est régie par le travail, que Péguy place au centre de son utopie. « Aucun travail malsain, c’est-à-dire aucun travail qui puisse déformer les âmes ou les corps des travailleurs, n’est fait pour assurer la vie corporelle de la cité harmonieuse », prévient le philosophe. Le travail doit être anobli et rendu sain.

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