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Søren Kierkegaard (1813-1855). © Domaine public

Un grand concept expliqué

La “reprise” (ou la “répétition”) chez Kierkegaard, c’est quoi ?

Vincent Giraud publié le 24 juillet 2025 4 min

Le penseur danois Søren Kierkegaard (1813-1855) a fait de la reprise l’un des maîtres-mots de sa pensée. Mais qu’est-ce qui distingue la répétition du Même de la reprise, qui fait accéder à un nouveau stade de l’existence ? Le professeur de philosophie Vincent Giraud nous explique le sens biographique et existentiel de cette notion. 


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Pourquoi répéter ?

Qu’il soit ludique ou ennuyeux, l’acte de répéter s’établit toujours sous l’autorité du Même. Il s’agit de re-faire ce qui fut accompli. Méthodique et conscient, l’acte de répéter peut néanmoins avoir ses vertus ! Ainsi l’apprenti ouvrier répète-t-il à l’infini un geste, en l’améliorant, sans que doive s’y insinuer le moindre changement, la moindre improvisation, la plus légère originalité, afin d’atteindre à la parfaite maîtrise. Tout en lui veut la réplique de ce qui fut, ou la visée de ce qui doit idéalement être, et que l’on répète alors d’avance. Ainsi d’une troupe de théâtre répétant autant que nécessaire avant d’atteindre la perfection de l’ultime « répétition générale » à venir ; ainsi de l’athlète à l’entraînement, ainsi du musicien insatisfait de l’accord espéré, attendu, à toute force et selon tout effort voulu. De tous ces exemples, il émerge un nouveau visage de la répétition, non pas duplication du passé, mais ambitieuse anticipation de l’avenir. Il faut s’en aviser : tournée vers le passé qu’elle reproduit à l’infini, la répétition tue. Tournée vers l’avenir, sous les formes de la reprise, elle met en contact avec le possible.

“La répétition est duplication du passé, la reprise est ambitieuse anticipation de l’avenir”

 

Si la répétition peut tuer, la reprise, elle, a le pouvoir de vivifier. Parce qu’elle prolonge, sur un autre plan d’existence, ce à quoi la répétition ne fait que s’asservir, prisonnière qu’elle est du terrain qui l’a vue naître et sur lequel elle prétend prospérer. Le mot danois qu’utilise Kierkegaard, « Gjentagelse », longtemps traduit en français par « répétition », se rend en réalité beaucoup mieux par le terme « reprise ».

Du Même au pas pareil

Un détour par le contexte biographique permet de mieux comprendre cette distinction essentielle. Le jeune Søren Kierkegaard a rencontré à Copenhague une jeune fille admirable et charmante, nommée Régine. Ils se plaisent, se côtoient, demande est faite de la part de Søren le 8 septembre 1840, demande reçue et acceptée dès le lendemain ; fiançailles officielles – le mariage n’est pas loin. Et voici que, coup de théâtre : à peine un an plus tard, le 11 août 1841, Kierkegaard renvoie son anneau de fiançailles à sa promise, ce qui équivaut à une rupture brutale et sans appel. Il ne veut pas se répéter…

Pour Kierkegaard, ce qui fut une fois vécu de plus haut et de plus vivant ne peut, paradoxalement, trouver lieu et place sur le sol qui l’a vu naître et éclore. Toute répétition est vaine parce qu’elle est inféodée au Même : « Mon amour-passion ne saurait s’exprimer dans le mariage, s’y épanouir. Si je l’épouse, je la brise », dit l’amoureux transi à son confident. Ou encore : « Du reste, je fais tout ce qui se trouve en ma puissance pour apprendre à devenir un époux. Me voici, me mutilant moi-même : j’éloigne tout l’incommensurable pour devenir commensurable. » La répétition est impossible. Pour reprendre fidèlement, il faut reprendre autrement. Il s’agit de changer de terrain, quel qu’en soit le coût. Briser, mutiler, se diminuer et amoindrir — voilà tout ce à quoi la reprise oppose son audacieux et périlleux pari, qui est de croissance, de fidélité et d’épanouissement. 

“Kierkegaard distingue trois stades de l’existence : le stade éthique, esthétique et religieux”

 

Et si de la passion pouvait se maintenir, vivifiante et lucide, au-delà de ce que le mariage aurait dû promettre et tenir ? Et s’il fallait tout perdre pour que tout fût, autrement et ailleurs, redonné ? Kierkegaard distingue trois stades de l’existence : le stade esthétique du séducteur qui jouit des plaisirs de la vie, le stade éthique de l’homme qui s’engage et se tient dans la fidélité à ses engagements, et le stade religieux où l’individu s’arrache à lui-même et à sa communauté pour faire le saut de la foi et découvrir sa vérité.

Reprendre pour changer

Voilà ce que signifie « reprendre » : changer radicalement de sphère d’existence, effectuer le saut qui vous transporte, non sans mal, culpabilité ni sacrifice, mais avec un indicible et comminatoire élan, à un stade supérieur où pourra s’épanouir la promesse que le stade antérieur (ici, celui de la vie conjugale), ne pouvait pas, ne savait pas tenir. C’est l’impossible répétition et ses promesses intenables qui imposèrent la reprise dans toute son urgence, exigeant de porter ailleurs tout l’acquis et tout l’avenir de l’amour, sur ce que Kierkegaard ne put concevoir autrement que comme un autre plan d’existence, dont la vie bourgeoise et aimante à lui offerte ne semblait pas pouvoir contenir l’intensité et l’étendue.

“C’est l’impossible répétition et ses promesses intenables qui imposèrent la reprise dans toute son urgence”

 

Ce à quoi nous invite finalement l’auteur de La Reprise (1843), c’est à un véritable saut qu’il convient de qualifier d’existentiel. Passage d’un état d’existence à l’autre, dont les cordonnées et les enjeux ne sont pas identiques, et même adverses. Car que faire, enfin, de cet amour réel, sincère ? Pourquoi s’y soustraire avec éclat ? Par la conscience de l’inadéquation absolue du simple et bon mariage bourgeois, béni socialement par l’église luthérienne danoise, avec ce qui fut vécu, senti, entrevu, anticipé de plus haut : « incommensurable ». Comment reprendre, c’est-à-dire aussi retrouver et poursuivre, là où tout s’accomplit ? De quel bien suis-je capable ? Comment ne pas laisser perdre, maintenir, chérir, ce qui pour moi vaut le plus au monde ? Ainsi, chaque stade kierkegaardien d’existence suscite, pour qui a le sens d’en éprouver les limites, l’exigence de ce qui l’excède, et en impose le franchissement.

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